Ordolibéralisme versus néolibéralisme : antagonismes idéologiques et conséquences pratiques en droit européen de la concurrence Claire mongouachon Maître de conférences en droit public Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Centre de Recherches sur le Droit Public (CRDP-EA 380) Multiplication des règlementations économiques, prolifération des autorités de régulation, poids croissant de l'expertise sont autant de raisons permettant de penser que les rapports entre le droit et le marché sont devenus essentiellement techniques. Le droit de la concurrence, droit du marché par excellence, n'échappe pas à la règle. La montée en puissance de l'analyse économique et la sophistication du raisonnement juridique y ont introduit une hyperspécialisation 1. Ce recours croissant à l'analyse économique a été largement plébiscité ces dernières années. Il y aurait là finalement un moyen de rationaliser, d'objectiver et donc de pacifier, les conflits de concurrence qui se nouent sur le marché. Parce que justifiée économiquement, la solution imposée aux opérateurs économiques permettrait d'être mieux acceptée. Outil de perfectionnement du raisonnement juridique, l'économie servirait ainsi directement le droit du marché. 1. Les découpages et intitulés choisis par les différentes revues spécialisées en droit de la concurrence s'avèrent, à cet égard, assez éloquentes. Pour n'en citer qu'une, la revue Concurrences n'identifie pas moins de neuf rubriques du droit de la concurrence faisant l'objet d'une chronique trimestrielle (Ententes, pratiques unilatérales, distribution, pratiques restrictives et concurrence déloyale, concentrations, aides d'État, procédures, régulations et secteur public, sans compter les jurisprudences européennes et étrangères et la politique internationale).