La pénalisation de la transmission du VIH : la fin de la démocratie épidémiologique ? - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Pré-Publication, Document De Travail Année : 2019

La pénalisation de la transmission du VIH : la fin de la démocratie épidémiologique ?

Résumé

Pour mieux comprendre cette épineuse question, il faut faire la distinction entre la transmission involontaire du VIH et celle souhaitée par les partenaires, à travers la pratique connue sous le terme anglais de barebacking 1. Si, depuis longtemps, la jurisprudence considère que la contamination accidentelle du VIH constitue un dommage susceptible de réparation 2 , la qualification criminelle est plus récente. Dans un premier temps les juges se montraient réticents car, selon la théorie pénale classique, pour que l'infraction soit constituée, il faut un préjudice de la victime (matériel, moral…), une faute imputable à celui tenu pour responsable (volonté de nuire) et un lien de causalité entre la faute et le dommage. Or, ces trois éléments n'étaient pas réunis dans les affaires qui arrivaient devant la justice pénale. Ainsi, dans un arrêt de 1998, la Cour de cassation a refusé de qualifier d'empoisonnement la contamination par un individu à sa compagne se sachant séropositif car la seule connaissance du pouvoir éventuellement mortel des sécrétions sexuelles ne suffit pas à caractériser l'intention de tuer 3. La figure de l'empoisonnement étant écartée, et en l'absence d'une incrimination spécifique 4 , les victimes supposées se sont tournées vers d'autres figures pénales susceptibles de faire prospérer l'action en justice. L'article 222-15 du Code pénal relatif à « l'administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui » est devenu la base légale permettant la pénalisation des rapports contaminants. En effet, la Cour de cassation, dans une décision du 10 janvier 2006 s'est 1 Le barebaking (littéralement « monter à cru ») consiste en la pratique sexuelle entre hommes sans protection. Le phénomène a été médiatisé aux Etats-Unis par l'écrivain et acteur pornographique Scott O'Hara. En tant que « mouvement culturel et identitaire », le barebaking se veut d'être perçu comme une contestation envers le système qui imposerait le « sexe sans risques ». Les adeptes de ce type de pratiques se conçoivent comme des résistants aux diverses stratégies d'interventions préventives des pouvoirs publics en matière de lutte contre le sida. 2 CA Paris 1 er ch. 26 janvier 1994, Recueil Dalloz 1994 p. 75. Depuis la loi du 1 er juillet 1998 la sécurité sanitaire fut renforcée en cette matière. Cass. 2 e civ. 2 juin 2005, Bulletin 2005 II N° 146 p. 131 Cass. 1re civ., 5 juill. 2006, n° 05-15.235… 3 Crim. 2 juill. 1998, Bull. crim. n° 211, D. 1998.J. 457, note J. Pradel. 4 En 1991, lors de l'examen du projet de loi portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes, le Sénat avait adopté un amendement faisant de la transmission du virus du sida une infraction : « toute personne consciente et avertie » qui aurait « provoqué la dissémination d'une maladie transmissible épidémique » par un « comportement imprudent ou négligent » aurait été passible d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende. Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale.

Domaines

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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01969324 , version 1 (15-01-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01969324 , version 1

Citer

Daniel Borrillo. La pénalisation de la transmission du VIH : la fin de la démocratie épidémiologique ?. 2019. ⟨hal-01969324⟩
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