Le stéréotype de la femme objet au Japon. Jouer à la poupée : jouer au mâle raté ?
Résumé
Il existe au Japon une industrie d’épouses « virtuelles » et de petites copines synthétiques formatées suivant les canons stéréotypés d’une beauté immature, puérile, voire stupide, ce qui n’est pas sans susciter un certain malaise, y compris au Japon. Les consommateurs de poupées (qu’elles soient en silicone ou en silicium), de fait, sont lourdement stigmatisés. Dans le contexte actuel du dépeuplement, ceux qui refusent de reproduire l’ordre social sont volontiers désignés comme coupables d’une situation dont ils sont en réalité les premières victimes et c’est peut-être pourquoi, non sans un brin d’ironie, ces hommes affirment préférer des « vierges synthétiques » (jinzô otome) aux « femmes de chair crue » (namami no josei). Ils veulent jouer, disent-ils. Sous entendu : jouer plutôt qu’imiter leurs parents, en fondant un foyer. Ce discours est souvent mal compris. Les médias, notamment, ont tendance à le prendre au premier degré. Dans la presse, ces consommateurs de simulacres sont régulièrement accusés d’être faibles, dénués de virilité. Ce qui m’amène à l’hypothèse suivante : serait-il possible que la poupée soit formatée à l’image d’une jolie fille stupide non pas pour reproduire des normes de genre mais pour les questionner ? Quelles stratégies président à l’élaboration et à l’usage de ces contrefaçons ? Quels détournements les poupées favorisent-elles, derrière des apparences si conformes aux standards culturels dominants ?