« A moi. De jouer ». De la première réplique jusqu’au terme de Fin de partie / Endgame, Hamm pratique une suite de jeux, dont les échecs et les jeux du théâtre ne suffisent pas à épuiser la liste. La pièce revisite l’ensemble de la typologie de Caillois, compétition, vertige et simulacre à l’exception du hasard. Les échecs du titre fournissent le paradigme des stratégies agonistiques de Hamm et Clov, jeux de guerre visant à dominer l’autre. Les jeux de vertige sont à l’état de trace dans le tour de la pièce en chaise roulante, version du manège pour paralytiques entre celui qui ne peut s’asseoir et celui qui ne peut marcher. Ceux qui dominent sont les jeux de rôles et d’imagination, interludes narrés et histoires, et la pièce tout entière comme jeu théâtral. Intituler une pièce Endgame, c’est aussi s’inscrire dans l’opposition entre règle et liberté du jeu, « game » et « play ». En faire une Fin de partie, c’est s’interroger à la fois sur la fonction du jeu (au sens où le français « fin » et l’anglais « end » s’entendent comme but) et suggérer la fin (le terme) possible de cette fonction, son échec. Le propre du jeu beckettien est de se tenir dans cet espace du dysfonctionnement, de passer du jeu comme pur superflu doté d’une fonction structurante au jeu comme pure inutilité. End-game, c’est l’absurde appliqué au jeu devenu mode d’expression de la déstructuration et non plus tentative pour la réduire. Le jeu devient littéralement la représentation de ce qui a « du jeu », de ce qui est « at play ». Il n’y a jeu, en d’autres termes, que lorsqu’il y a « du » jeu. Cependant, en dépit de l’intention affichée de se libérer du sens et des structures, les modalités choisies ouvrent la voie au retour du jeu le plus théâtral qui soit, celui de la bobine – dût-elle tourner à vide.