Cao Xiangzhen, la course aux obstacles d’une moniale taoïste
Résumé
Le taoïsme, à travers son ordre monastique (Quanzhen), est connu en Chine pour avoir fait très tôt une place importante aux femmes et prôné une égalité remarquable, à l’instar de la complémentarité des principes Yin et Yang. Le parcours de vie de la nonne Cao Xiangzhen (ca 1923-2014) tel qu’elle le raconte complexifie toutefois le tableau, s’apparentant à une véritable course aux obstacles. Dans les années 1940, la plupart des temples étant habités par des hommes, en trouver un où être acceptée ne fut pas chose facile. Elle parvint à être admise par un maître mais il préféra qu’elle devienne la disciple d’un « maître posthume » (fentoushi) -un cas rare, qui rappelle, sur un autre registre, celui des mariages posthumes. Par la suite, elle réussit à ouvrir des portes autrefois fermées aux moniales : elle apprend la médecine dans un temple réservé aux moines, ; elle se voit confier des responsabilités de plus en plus importantes à la fois dans la hiérarchie officielle de l’ordre et dans les grands rituels ; elle est choisie en 1989 pour participer au « premier grand rituel d’ordination collective » depuis la fondation de la RPC, et en 1995 au second, cette fois en tant qu’un des Huit grand maîtres de cérémonie, alors que cette haute consécration était l’un des rares rituels taoïstes à faire l’objet d’une asymétrie de genre. Au moment de l’enquête ethnographique elle était l’une des dernières femmes de cette génération de moines et de nonnes entrée en religion avant la Révolution culturelle. Pionnière et emblématique de toute une génération de spécialistes religieuses ayant vécu dans une position marginale, cette célèbre guérisseuse et grande ascète était aussi d’une grande discrétion. Ayant fait le choix d’une vie en retrait, elle demeura sa vie durant dans un temple inaccessible du mont Hua, au Shaanxi.