Déroutant les conceptions communes en matière de relations professionnelles, les débats sur la convention collective (qui mènent, en France, à la loi de 1919) commencent au début du XXème siècle, dans une période marquée par une faible syndicalisation et une conflictualité sociale diffuse qui contraste fortement avec le trade unionisme anglais. Mais si de longs débats s'avèrent nécessaires pour élaborer une catégorie juridique permettant de qualifier les accords collectifs, c'est que la signification même du syndicat comme institution légale définie par la loi de 1884 est problématique. Cela tient à ce que, dans la France de cette époque, la grève précède souvent l'organisation syndicale. Or, pour tenir compte de cette situation, le législateur organise en décembre 1892 une procédure de conciliation et d'arbitrage des conflits collectifs sans se préoccuper du rôle d'un éventuel syndicat. Il en résulte que de nombreux accords collectifs précèdent alors fréquemment d'organisations syndicales qui n'y sont qu'exceptionnellement parties. Quelle est alors la place de l'institution syndicale dans la production et la mobilisation des normes constituant le droit du travail? L'objet de ma communication vise à montrer comment la réponse à cette question conditionne l'élaboration, par le législateur, des lois du 25 mars 1919 sur la convention collective et du 23 avril 1920 sur l'extension de la capacité civile des syndicats. Il s'agit alors moins d'assurer un monopole de la représentation des travailleurs par une forme de syndicalisme obligatoire que de garantir au syndicat un droit d'action en justice pour faire respecter le droit du travail et les conventions collectives.
Pour examiner les usages du syndicat dans le contexte complexe de la fabrique collective dispersée, le texte revient sur des pratiques territoriales, notamment au sein de la rubanerie stéphanoise.