Lorsqu’il s’agit d’analyser le fonctionnement de la cinématographie roumaine pendant les dernières décennies communistes, le constat va plutôt dans le sens de l’absence ou de la précarité des sources. Pourtant, les archives de la Securitate – la police politique en Roumanie- ouvrent des perspectives enrichissantes sur le sujet. En prenant comme exemple des dossiers individuels des réalisateurs mais aussi des dossiers de synthèse sur le domaine artistique, nous souhaitons montrer comment cet acteur invisible du système croise le destin de la cinématographie. Il s’agira plus précisément de questionner la manière dont ces documents permettent d’envisager les trajectoires des cinéastes de l’époque. Il s’avère, en effet, que la manière d’opérer de la Securitate conduit à l’élaboration des biographies inédites des personnes et à des caractérisations en nuance du milieu cinématographique. Mais ces documents apportent-ils de nouveaux éclairages sur le sujet ou parlent-ils plutôt de l’instance qui les a ordonnés ? Avant de tenter une réponse à cette question, nous allons décrire brièvement les objectifs et les méthodes de travail de la Securitate dans le domaine de la cinématographie. Nous allons analyser par la suite la manière dont les dossiers individuels sont constitués et le type d’informations qui s’en dégage. Enfin, une réflexion s’impose sur le caractère problématique de ces documents.