Etre jeune dans le périurbain de Sens « On devrait construire les villes à la campagne car l'air y est plus pur ! » tel était le souhait d’Alphonse Allais. Aujourd’hui, le rêve devient de plus en plus réalité avec l’extension de la ville sous la forme de paysage périurbain. A ces aspirations bucoliques des citadins se mêlent celles qui consistent à installer à la campagne des équipements logistiques s’insérant, en tant que nœuds, dans « l’économie métropolitaine en réseau ». Souci de rentabilité économique et aspirations des populations à vivre leur « désir de vert » 2 se manifestent dans ces espaces périphériques. Le nord de l’Yonne (arrondissement de Sens) est particulièrement concerné par cette tendance puisqu’il se situe aux franges de l’agglomération parisienne et profite du desserrement des activités logistiques de la région capitale ainsi que de l’arrivée d’actifs franciliens. L’agglomération de Sens polarise les mobilités des actifs mais aussi des scolaires, en raison d’une offre de services très concentrée. La question des mobilités des actifs, habitant le périurbain, intéresse depuis longtemps les acteurs publics locaux.3 Alors que « le périurbain demeure, dans une société vieillissante, l’espace de la jeunesse : il est le seul espace qui compte plus de trois jeunes pour deux personnes âgées »,4 très peu de choses ont été écrites sur la jeunesse du périurbain. Ce paradoxe m’a retenu mon attention d’autant plus que la notion de « captifs du périurbain 5», mise en évidence par Lionel Rougé en 2005, se pose avec encore plus d’acuité pour des individus qui ne sont pas autonomes au niveau de leurs mobilités. Si, en 2008, Lionel Rougé, revenu sur le terrain mobilisé lors sa thèse, a dressé un bilan plus positif de la situation, cela ne signifie pas pour autant que le concept de « captifs du périurbain » soit dépassé. Cela semble encore une hypothèse de travail féconde au vu du public concerné. Professeure agrégée d’histoire-géographie au lycée Janot de Sens, je suis particulièrement sensibilisée à la question des transports scolaires et à leur vécu par les élèves. Ces élèves habitent dans l’espace périurbain ou rural et sont les acteurs de navettes journalières importantes en temps comme en distance. Ils habitent dans ces communes, suite à la décision que leurs parents ont fait de se domicilier dans le territoire périurbain. Rendre compte de ce qu’est « Etre jeune dans le périurbain de Sens » amène à se poser la question : Quelles relations les jeunes ont-ils à leur territoire périurbain du fait d’une mobilité particulière ? Au-delà des mobilités scolaires, les déplacements des jeunes au cours de la journée au lycée, mais aussi à l’échelle hebdomadaire sont centraux. La question du déménagement occupe aussi une place importante, en tant que véritable rupture dans un « parcours de vie ». Faut-il voir en ces populations des acteurs ou des sujets de leurs mobilités ? La configuration particulière de l’espace périurbain complique les déplacements pour qui n’est pas autonome en termes de mobilité. Quelles stratégies sont mises en œuvre par les élèves pour se déplacer ? Le besoin de mobilité des jeunes pose aussi la question : Comment, pour les acteurs publics locaux, concilier faible densité de population et mise en place d’un service de mobilité rentable adapté aux jeunes ? C’est, par le biais d’enquêtes et d’entretiens semi-directifs, que je me concentre7 sur les mobilités d’une population particulière : les lycéens, mes élèves plus exactement.