Dans la littérature comme dans le langage ordinaire : textes, contextes, dépliements, attaques, clôtures - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2016

Dans la littérature comme dans le langage ordinaire : textes, contextes, dépliements, attaques, clôtures

Sarah de Vogüé

Résumé

On voudrait montrer que l’audace prêtée à la littérature n’est pas d’une nature différente de celle dont Culioli montre les effets lorsqu’il étudie « dans leur texte » les énoncés du langage le plus ordinaire. Loin de prendre la littérature comme un travail de l’écart, on la prend comme une mise en œuvre tenace du travail énonciatif tel que Culioli l’a dévoilé : un travail qui se rapproche bien plus de la fonction poétique posée par Jakobson, quand le message du texte construit son contexte, que de la fonction expressive dans lequel un locuteur s’énonce. L’énoncé construit une valeur référentielle, et cette valeur : a) est une fiction ; b) ne coïncide pas avec quelque référent que ce soit ; c) est un fait langagier (voir la lettre 117 à Lucilius : les énonciations « sont à part des corps car (elles) sont des énonciations à propos des corps »). Ce fait langagier est un texte, au sens que Culioli semble donner au concept de texte : non pas un écrit de quelque longueur (puisque Culioli prend continûment ses données dans l’oral et volontiers dans des formes brèves de l’oral), mais une forme suffisamment construite et tissée pour que sa texture l’organise. Le texte serait chez Culioli ce qui prend la place de la syntaxe (seulement occupée de mise en syntagmes d’une part, d’ordonnancement d’autre part) : ce qui organise l’énoncé – des liens, des rassemblements, des vides, des sauts, des ajouts, des reprises, des retours, etc. Organisant l’énoncé, il organise donc aussi la valeur référentielle que cet énoncé élabore : l’énoncé comme sa valeur font texte. Faisant texte, cette valeur ne se réduit en rien à ce qui serait un référent extérieurement déterminé, et surtout ne se déduit en rien d’un contexte extérieur. L’énoncé détermine son contexte, et c’est par là qu’il fait fiction. Ainsi, l’approche culiolienne prend-elle le contrepied des approches pragmatiques qui prétendent déduire le sens de l’énoncé du contexte dans lequel cet énoncé s’inscrit. Culioli s’intéresse principalement à des formes brèves : énoncés comme Je boirais bien un verre, comme Je veux ! J’allais me laisser faire peut-être ! ou comme Çà !, formules figées comme Manquait plus que ça ou Point trop n’en faut, dont il restitue le texte et l’efficace fictionnelle. Il y découvre notamment des effets d’attaque, des faits de clôture, et un travail qui n’est pas de composition mais de dépliement, pour suivre et redessiner le détail des plis et replis qui forment l’accroche du texte à son contexte fictif. C’est là qu’intervient sans doute ce que Claudine Normand a identifié comme de la ruse : car si le texte détermine son contexte, celui-ci néanmoins lui résiste, informulable, et il faut toute la ruse du travail énonciatif pour arriver à le dire, à formuler l’inquiétante étrangeté du « miroitement, en dessous », qu’évoque Mallarmé, cité en exergue dans « Heureusement ». On tentera d’exploiter ces concepts de texte, de contexte et de dépliements pour reconstituer ce qui se tisse dans des formes littéraires. On choisit d’étudier de cette façon des poèmes, en tant qu’ils constituent eux aussi des formes finies et relativement brèves, ou en tous les cas avec une texture qui est mesurée : des textes plus élaborés sans doute et complexes que les formes de l’oral ordinaire qui intéressent Culioli, mais dont les ruses sont du même ordre – seulement peut-être plus déterminées et tenaces. Ainsi, à titre expérimental, on se propose de lire à cette aune l’audace tenace de Baudelaire pour dire les fictions que ses textes élaborent, au travers de deux poèmes des Fleurs du mal - Élévation et le 2ème Spleen - où l’on tentera de retracer attaques, dépliements, clôtures, et peut-être quelque chose du miroitement mallarméen.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01395751 , version 1 (11-11-2016)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01395751 , version 1

Citer

Sarah de Vogüé. Dans la littérature comme dans le langage ordinaire : textes, contextes, dépliements, attaques, clôtures. La théorie des Opérations Énonciatives d'Antoine Culioli et la littérature, UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L'ADOUR - CRPHLL - UPPA, Oct 2016, PAU, France. ⟨halshs-01395751⟩
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