Le jeu comme amusement et comme contestation - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Les Mondes du travail Année : 2017

Le jeu comme amusement et comme contestation

Résumé

Les sciences sociales ont développé une vision instrumentale du jeu au travail. D’un côté, les notions de gamification ou de « jeux sérieux » nous viennent du marketing ou des sciences de l’éducation, qui voient dans l’usage du jeu un moyen d’accroitre les motivations, de développer « des structures de récompense, des renforcements positifs et boucles de feedback subtiles en même temps que des mécanismes comme des points, des médailles, des niveaux, des challenges et des tableaux de leaders ». Il s’agit par l’amusement, le goût de la compétition, de créer de l’engagement au profit de l’efficacité et de la productivité. Cette approche instrumentale de la gamification restreint les débats et réflexions aux « usages du jeu par le management au sein des organisations ». Le travail d’analyse critique consiste alors à décrypter le sens social et organisationnel de l’importation par le management des structures de jeu vers celles de l’organisation du travail. Dans cette optique, les jeux (ou quasi-jeux) sur les lieux de travail à l’initiative des travailleurs eux-mêmes auraient essentiellement des fins de distraction ‐ pour pallier l’ennui ou la monotonie (Roy, 1952) et donc rendre le travail supportable (Burawoy, 1979) ‐ ou de maintien des conditions propices à la vigilance au travail. Plutôt que de partir de la transposition ou de la métaphore du jeu initiée par le management, cet article porte d’abord sur les pratiques ludiques des salariés eux-mêmes qui sont rarement impulsées par la hiérarchie, ou alors de façon indirecte, involontaire ou réactive. Il ne s’agit pas non plus d’étudier le fait de jouer au travail à des jeux conçus en dehors du travail (à l’instar de collègues qui feraient une partie de poker ou d’un salarié pratiquant depuis son lieu de travail des jeux en ligne), mais des pratiques ludiques prenant le travail lui-même comme objet de jeu ou d’amusement. Au-delà de la simple recherche de distractions ou de défoulement, le jeu au travail peut aussi être une façon d’exprimer ou de renforcer des valeurs professionnelles, d’atténuer, au moins symboliquement, des formes de domination et de reprendre un peu de contrôle sur la situation, de développer la créativité et l’invention tout en favorisant le plaisir au travail. L’objectif de cet article est de montrer comment le jeu sur les lieux de travail à l’initiative des travailleurs, ou du moins la ludicisation (définie ici comme introduction d’éléments ludiques dans une activité qui n’est pas définie comme jeu) ou la métaphore du jeu, ont aussi un sens social et politique, qui est parfois même une critique ironique du management, y compris de ses tentative d’instrumentaliser le jeu. Autrement dit, jouer ou s’amuser au travail n’est pas seulement un élément de la « servitude volontaire », mais cela participe également de la construction par les salariés eux-mêmes d’une autre définition de leur travail, d’un autre sens pour leurs activités. Cette idée sera illustrée par des travaux d’autres auteurs sur des secteurs différents puis par mes recherches sur le travail policier et sur l’activité des diplomates

Domaines

Sociologie
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-01549125 , version 1 (28-06-2017)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01549125 , version 1

Citer

Marc Loriol. Le jeu comme amusement et comme contestation. Les Mondes du travail , 2017, 19, pp.95-104. ⟨halshs-01549125⟩
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