Les victimes du terrorisme comme public de citoyens affectés. Sur la mobilisation des victimes des attentats du 11 mars 2004 à Madrid.
Résumé
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La principale association de victimes créée à la suite
des attentats du 11 mars 2004 à Madrid se présente
officiellement comme un collectif de citoyens « affectés »
par le terrorisme plutôt que de « victimes ». Prenant au
sérieux cette distinction sémantique, cet article propose
d’en expliciter les enjeux sociaux et politiques en prenant
appui sur la théorie des publics de John Dewey. Dans
un premier temps, on montre en quoi le discours par
lequel les dirigeants de l’association justifient ce choix
terminologique fait écho à la façon dont John Dewey
concevait un public, au sens politique du terme. Les
publics constituant pour lui la base même de la vie
démocratique, on en vient ensuite, dans un second temps,
à expliciter le souci démocratique qui sous-tend le combat
de cette association, souci qui se traduit en particulier
par un refus de considérer les personnes tuées dans les
attentats du 11 mars comme des héros. En replaçant la
création de cette association dans un contexte plus large,
on finit par voir que ce souci qui la caractérise en tant que
public de citoyens « affectés » procède, par-delà le choc des
attentats, du réinvestissement d’engagements préalables,
en particulier dans les mouvements d’opposition à la
guerre en Irak. Cet article peut ainsi se lire, au total,
comme une démonstration de ce que la pensée de John
Dewey apporte à l’analyse des mobilisations de victimes.
Origine : Accord explicite pour ce dépôt