Poétique de la mélancolie : l'écriture en deuil de Philippe Forest. Compte-rendu de l'ouvrage de Maïté Snauwaert, Philippe Forest, la littérature à contretemps (Nantes, Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2012).
Abstract
Face à l’œuvre essentiellement romanesque de Philippe Forest, commencée à la mort de son enfant de quatre ans et qui se poursuit dans l'énonciation et la circonscription sans fin de cette mort, la parole critique rencontre une double résistance : celle de la compassion, au risque de se perdre dans une sympathie muette qui compromet l'analyse, immédiatement inspirée par une œuvre éminemment personnelle dans son témoignage et sa souffrance ; celle aussi de la portée éthique d'un tel projet. Comment écrire sur l'enfant mort de quelqu'un d'autre ? Face au paradoxe d'un deuil intime qui se donne à lire, tenir un discours critique qui rende justice à l'écriture sans renoncer à creuser la douleur du texte relève de la gageure.Le livre de Maïté Snauwaert ne cherche pas à masquer ces écueils, il les envisage avec sensibilité et rigueur critiques. Elle livre ici un essai riche et profus, qui puise ses analyses aux sources multiples de la littérature comme de la psychologie ou de la sociologie, du romanesque comme de l'essai de poétique, des grandes figures occidentales (Barthes, Benjamin, Agamben, Ricoeur, Kierkegaard) à celles de l'Orient qui siègent haut dans le panthéon personnel de Forest (Kobayashi Issa, Kenzaburô Ôé).