Introduction: Sensorialités religieuses : sens, matérialités et expériences - Université Paris Nanterre Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Gradhiva : revue d'histoire et d'archives de l'anthropologie Année : 2017

Introduction: Sensorialités religieuses : sens, matérialités et expériences

Introduction: Sensorialités religieuses : sens, matérialités et expériences

Résumé

Thomas le sceptique, qui était absent le soir de la résurrection quand Jésus apparut aux disciples, douta de leur témoignage : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. » Huit jours plus tard, Jésus leur apparut de nouveau dans une pièce fermée. Cette fois, Thomas était parmi eux : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incré-dule, mais crois. » Dans un célèbre tableau de 1603 – L'Incrédulité de saint Thomas – consacré à ce passage de l'évangile de Jean (Jean 20. 19-29), Le Caravage représente Thomas plongeant son doigt dans la chair de ce Dieu-fait-homme pour éprouver les stigmates et orienter les regards vers une théologie de l'Incarnation qui est au fondement du christianisme. La compréhension sensible de ce rapport chrétien au monde se joue par un subtil recouvrement du visible par le tactile. Toucher est une expé-rience de la limite, une manière de mettre en relation le visible et l'invisible, le sensible et l'intangible (Nancy 1993). Mais le toucher n'est jamais univoque. Car ce qui touche est nécessairement touché-touchant. Bien qu'éloignés du monde chrétien, les initiés du palo monte afro-cubain expérimentent le divin en des termes qui ouvrent la rééexion à une étonnante comparaison. Les pratiquants de ce culte des morts ne sont pas tenus d'y croire. Au contraire, il est courant de les entendre dire : « Nous sommes comme saint Thomas ! Voir pour croire ! Et je ne crois que ce que je vois ! » Une grande par-tie de leur activité rituelle consiste à rendre sensibles les morts et les dieux en leur attribuant une forme de corporéité, une odeur, une voix. L'efcacité de ces entités invisibles repose sur leur capacité à être vues, senties et enten-dues, « à donner des preuves », déclarent les initiés. Ainsi, le palo monte fournit un autre exemple de la façon dont le croire s'articule avec le percevoir et le sentir, sinon en découle. Ce numéro propose d'explorer la dimension polysensorielle de l'expérience et de la subjectivité religieuses. Loin de seulement examiner comment la sensorialité s'enchevêtre avec l'activité religieuse, il s'attache à montrer que celle-ci est une expérience sensible. À travers une approche pragmatique, chacune des contributions questionne les modalités suivant lesquelles des activités rituelles sont modelées et (re)produites par une combinaison des sens engagés dans la matière. Quels perceptions, sensations , émotions et mouvements naissent-ils de la rencontre avec les objets, les substances et l'environnement physique d'une pratique religieuse ? Comment le corps sensible et la matérialité d'une pratique religieuse s'activent-ils mutuellement au cours de l'activité rituelle ? Dans quelle mesure leurs imbrication et articulation structurent-elles diversement la formation et la transmission des savoirs ?
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hal-01684544 , version 1 (18-01-2018)

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Citer

Anouk Cohen, Katerina Kerestetzi, Damien Mottier. Introduction: Sensorialités religieuses : sens, matérialités et expériences. Gradhiva : revue d'histoire et d'archives de l'anthropologie , 2017, En croire ses sens, 26, pp. 4-21. ⟨10.4000/gradhiva.3418⟩. ⟨hal-01684544⟩
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