La question de la mémoire du conflit armé colombien dans les oeuvres d’Érika Diettes se décline de manière très élaborée autour d’axes qui se complètent: celui des mémoires alternatives de victimes subalternisées d'abord ; celui des mémoires performatives et sensibles qui « parlent » directement aux vivants, ensuite ; celui des mémoires réparatrices et réhumanisantes, enfin. En raison de la complexité des dispositifs et de la subtilité de la réflexion, les différentes réalisations de Diettes, Silencios (2005), Río abajo (2008), Sudarios (2011), Relicarios (2015), forment un ensemble cohérent à partir duquel il nous semble pertinent de penser l'articulation entre mémoire et art. Ainsi, chaque oeuvre signifie une étape qui reformule en les approfondissant les enjeux posés par l'oeuvre précédente, dessinant une trajectoire continue dans la fabrication de dispositifs qui se présentent, en définitive, comme des conteneurs de mémoire, non seulement symboliquement, mais aussi matériellement et physiquement. Ces conteneurs de mémoire peuvent contribuer à préparer la transition vers une société du post-conflit, car ils assument un devoir de mémoire qui remplit la double mission de lutter contre l’oubli et de transformer les perceptions.