Le Conseil constitutionnel face à lui-même.
Résumé
Au titre des premières mesures législatives d’urgence destinées à répondre à l’épidémie de
Covid-19, le gouvernement a proposé de suspendre les délais de QPC : tant le délai de
transmission par le Conseil d’État et la Cour de cassation au Conseil constitutionnel que le délai
de jugement par ce dernier. L’idée était d’anticiper d’éventuelles difficultés de fonctionnement
des juridictions liées aux circonstances actuelles rendant impossible le respect les délais de
procédure. Mais la solution choisie est loin d’être anodine. En écartant la règle de transmission
automatique des QPC passé le délai de 3 mois, plutôt qu’un Conseil constitutionnel saisi
automatiquement de tout, le législateur a choisi à l’invitation du gouvernement, un Conseil qui
ne soit saisi de rien… ou, plus exactement, qu’il advienne, ce qui pourra. L’enjeu est
d’importance. En effet, derrière une question en apparence technique (celle des délais), c’est la
question des exigences prioritaires de l’État de droit en période exceptionnelle qui est posée :
État de droit contre État de droit, en quelque sorte. Or les lois organiques étant automatiquement
soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, le principal intéressé par cet aménagement des
délais a été amené à se prononcer sur sa constitutionnalité et le risque consécutif de priver
d’effet utile tous les recours qui lui parviendraient tardivement contre les dispositions
législatives relatives à l’urgence sanitaire. C’est cette décision rendue le 26 mars dernier que
cette lettre propose d’analyser. Sans grande surprise quant à sa solution, elle n’en est pas moins
riche d’enseignements : en période "particulière", la raison politique prime plus jamais sur la
raison juridique.
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