III. Lamartine, ou les illusions perdues du romantisme
Abstract
Illusions perdues, le grand roman que Balzac a consacré à la vie littéraire de son époque, s’ouvre sur une scène située « [e]n 1821, dans les premiers jours du moi de mai ». On y apprend que « deux poètes », David Séchard et Lucien de Rubempré, avaient lu depuis trois ans « les grandes œuvres qui apparurent depuis la paix sur l’horizon littéraire et scientifique, les ouvrages de Schiller, de Gœthe, de lord Byron, de Walter Scott, de Jean Paul, de Berzélius, de Davy, de Cuvier, de Lamartine, etc. » Dans ce curieux panthéon mêlant savants et écrivains, Lamartine est donc le seul poète que Balzac ait choisi pour incarner la nouvelle littérature française. Et même si la suite de l’incipit est consacrée aux poésies d’André Chénier, que sa mort sur la guillotine nimbait d’une aura de martyr et dont l’œuvre venait tout juste, en 1819, d’être spectaculairement découverte et publiée, c’est bien Lamartine qui semble servir de modèle à Lucien de Rubempré, véritable incarnation du poète romantique. Aussi, lorsque Lucien fait la lecture de ses premiers essais dans le salon de sa muse provinciale, Mme de Bargeton, il s’attire le jugement méprisant d’un des invités, M. du Châtelet, qui représente au contraire le rationalisme antispiritualiste de l’Empire : « C’est des vers comme nous en avons tous plus ou moins fait au sortir du collège […]. Autrefois nous donnions dans les brumes ossianiques. C’était des Malvina, des Fingal, des apparitions nuageuses, des guerriers qui sortaient de leurs tombes avec des étoiles au-dessus de leurs têtes...
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