Création, cuisine et procréation: « The Kitchen Child », ou les grilli d’Angela Carter
Résumé
Angela Carter pose la cuisine comme principe organisateur de « The Kitchen Child », quête du père menée par un jeune garçon dont la mère, cuisinière dans une noble maison, se fait engrosser un jour de chasse à la grouse par un géniteur inconnu dont, trop absorbée par la confection d'un soufflé au homard, elle ne voit pas le visage. Carter replace le processus de procréation au cœur de l'espace métaphorique qu'est la cuisine dans sa double acception de laboratoire et d'art culinaire. Elle retravaille la langue et l'écriture selon les mêmes modalités et recentre son discours sur "l'équivalent culinaire". Procréation, art culinaire et création langagière se superposent sur l'axe paradigmatique dans un éblouissant jeu de substitutions et une dynamique scripturaire que n'aurait pas reniés Rabelais. Carter pose l'élaboration culinaire comme modèle générique et la cuisine comme microcosme pleinement suffisant d’un bildungsroman en raccourci, où de soupière en marmite, le narrateur protagoniste fait son éducation parmi les maîtres queux dans un univers où les modèles ont nom Crépin, Soyer et Carême. A la suite de Rabelais, Angela Carter nous propose de transporter "nos humanitéz en belle cuisine de Dieu", adaptant à l'écriture les techniques d'Arcimboldo.