La relation entre l’homme et son environnement numérique se caractérise dès l’origine par un double mouvement de fascination et de répulsion, mis en scène par les artistes dans différents médiums. À partir des années 1990, le numérique colonise l’ensemble de la sphère sociale et en sature les espaces, libérant une anxiété propre à nourrir des fantasmes paranoïaques. À l’aube des années 2020, cette relation est recouverte d’une fausse passivité, masquant une méfiance, dont l’acuité a été révélée par les théories complotistes, entre autres celle d’un vaccin qui implanterait une puce dans le corps humain, un œil numérique digne d’Orwell. Malgré son outillage et sa distance intellectuelle, le chercheur n’est pas épargné par ce conflit de l’homme face à la machine. N’étant pas toujours sûr d’être « aux commandes », il est inquiet, d’autant qu’il lui est devenu impossible de se passer du matériel numérisé de bases de données qui ne cessent de grossir. L’arrivée des programmes d’intelligence artificielle vient à nouveau bousculer les pratiques d’artistes peinant à situer leur œuvre, et de chercheurs, qui bien que donnant des instructions algorithmiques, n’en sont pas moins déroutés par les résultats fournis par ce nouvel œil. Le numérique actualise en fait une question ancienne : où et comment se forme le regard ?