FLexSign : une base de données lexicale en Langue des Signes Française (LSF)
Résumé
En psycholinguistique, peu d'études ont été menées sur les langues des signes pour comprendre les mécanismes de traitement du langage, que ce soit en réception ou en production. Pour ce faire, les chercheurs doivent disposer d'informations psycholinguistiques précises sur le matériel linguistique qu'ils utilisent. Ils peuvent alors observer les réponses comportementales ou neurophysiologiques et donc les mécanismes de traitement du langage associés. Ceci est vrai indépendamment de la modalité de la langue étudiée, tant en langue vocale (Ellis, 2002 ; Adorni et Proverbio, 2012 ; Barber et al., 2013) qu'en langue des signes (Bosworth et Emmorey, 2010 ; Emmorey et al., 2020). Parmi les bases de données lexicales normées en langue des signes, deux nous semblent particulièrement intéressantes pour la recherche psycholinguistique et pour aborder notre travail en raison de leur interface et de la manière dont les données ont été collectées : en langue des signes américaine, ASL-Lex (Caselli et al., 2017) avec près de 3000 signes et en langue des signes espagnole, LSE-Sign (Gutierrez-Sigut et al., 2016) pour près de 2400 signes.
La présente étude vise à proposer la première base de données lexicale interactive, inspirée d'ASL-Lex (Caselli et al., 2017), pour la LSF : FlexSign. La base de données FlexSign comprend des données de familiarité, de concrétude et d'iconicité pour 546 signes de LSF. Nous avons choisi de collecter des données sur ces trois facteurs qui sont connus pour influencer la vitesse ou la précision du traitement lexical. La familiarité est reconnue pour générer un effet facilitateur robuste sur le traitement des signes en ASL : selon Emmorey et al. (1991), les signes ASL très familiers suscitent des réponses significativement plus rapides que les signes moins familiers. En outre, on sait que la familiarité et la fréquence lexicale sont corrélées (en anglais : Stadthagen-Gonzalez and Davis, 2006). La concrétude a également un rôle documenté dans le traitement lexical : comme en langue vocale pour les mots concrets et abstraits, Emmorey et al. (2020) rapportent que les signes concrets en ASL sont reconnus et traités plus rapidement que les signes abstraits dans une tâche de décision lexicale. Enfin, le dernier facteur est l'iconicité, une notion complexe mais centrale des langues signées, qui joue un rôle crucial dans la création et l'organisation du lexique en langue des signes. Ainsi, disposer d'informations sur l'iconicité des signes en LSF permettrait de mieux comprendre le rôle de cette notion dans le traitement lexical.
Ces précédents travaux nous ont largement encouragés à développer une base de données de lexique en LSF contenant des informations sur la familiarité, la concrétude et l'iconicité. Pour ce travail, nous avons sollicité 33 participants signeurs dont la majorité sont natifs de la langue des signes. Les évaluations ont été recueillies par le biais d'un questionnaire en ligne. Disposer de normes sur ces trois facteurs pour une partie du lexique en LSF est une étape nécessaire avant de pouvoir élaborer et mener des expériences psycholinguistiques sur l'accès lexical en LSF.
Nous savons que cette base de données sera d'une grande utilité pour les chercheurs en langue des signes car elle fournit des informations linguistiques qui n'étaient pas disponibles jusqu'à présent. Cette base de données FLexSign sera ouverte à de futures contributions et permettra de nombreuses opportunités tant au niveau expérimental qu’au niveau clinique.