Au printemps 1914, les Allemands dansent le cakewalk, le one-step et le two-step sur des rythmes de ragtime, depuis déjà 10 ans. Les disques de musique de danse américaine se vendent très bien. Mais avec l’entrée en guerre le 31 Juillet et la promulgation de l’état de guerre, la danse est interdite jusqu’au 1er janvier 1919. Dès les tous premiers mois de renaissance de la danse, les Allemands sont heureux de renouer avec un courant international auquel ils appartenaient avant la guerre. Après 5 ans d’isolement culturel, 1919 est une année de redécouverte du ragtime durant laquelle sont réédités dans l’urgence les ouvrages consacrés aux danses « modernes » d’avant-guerre Il faut attendre 1920 pour que les véritables nouvelles danses, telles le fox-trot, intègrent la scène éditoriale à côté du boston et du one-step, toujours présentés comme de « nouvelles danses modernes ». Quoiqu’il s’agisse d’une très courte période, la confusion entre les anciennes et les nouvelles danses américaines qui caractérise ces deux années soulève merveilleusement la question du mode de fonctionnement de l’influence américaine et d’une mondialisation qui ne fut pas linéaire. Il est particulièrement intéressant d’analyser la manière dont les « nouvelles » danses américaines s’insèrent sans le dire dans une tradition déjà bien établie depuis 1903 tout en revendiquant leur extrême modernité et comment cette culture certes américaine, mais transmise presque uniquement par des orchestres, sinon par des compositeurs, allemands jusqu’à la fin de la grande inflation de 1923, peut incarner une certaine forme de modernité et d’ouverture sur le monde globalisé dans une Allemagne en pleine crise identitaire et morale.