What we talk about when we talk about "bare lives"
Ce que disent les « vies nues »
Abstract
In the world of migration management, the label is an indispensable instrument for counting, filtering, identifying, classifying and controlling individuals in their mobility trajectory. For Giorgio Agamben, the lives of refugees, displaced persons and rejected asylum seekers lost in the semi-permanent limbo of IOM detention centres or UNHCR camps appear as 'bare lives' – lives whose political nature has been progressively denied and erased, leaving only their biological nature to emerge, without legal, social, economic or even political existence. However attractive this perspective may be, it seems to ignore not only the experience of migrant lives but also their capacity to make a difference. These lives are indeed permeated by emancipatory struggles for freedom of movement, for access to decent work, for the right to be the agent of one's own well-being, to carry the struggles of elders, to embody the memory of minority languages and cultures. Based on qualitative fieldwork conducted since 2015 in official camps or informal settlements of migrants in Ethiopia, Somalia and Kenya, this paper highlights this dual process of subjugation and subjectivation that seems to me to be at the heart of the question of mobility today. What is the symptom of Agamben's myth, which constitutes the implicit intellectual matrix of most international aid organisations? By abstractly considering migrant lives as 'bare lives', atoms without qualities, are we not basically playing into the hands of neoliberal political rationality, socially isolating and politically destructuring?
Dans le monde de la gestion des migrations, l'étiquette est un instrument indispensable pour compter, filtrer, identifier, classer et contrôler les individus dans leur trajectoire de mobilité. Pour Giorgio Agamben, les vies des réfugiés, des personnes déplacées et des demandeurs d'asile déboutés, perdues dans les limbes semi-permanents des centres de détention de l'OIM ou des camps du HCR, apparaissent comme des "vies nues" - des vies dont la nature politique a été progressivement niée et effacée, ne laissant émerger que leur nature biologique, sans existence légale, sociale, économique ou même politique. Aussi séduisante que soit cette perspective, elle semble ignorer non seulement l'expérience des vies des migrants, mais aussi leur capacité à faire la différence. Ces vies sont en effet imprégnées de luttes émancipatrices pour la liberté de circulation, pour l'accès à un travail décent, pour le droit d'être acteur de son propre bien-être, de porter les luttes des aînés, d'incarner la mémoire des langues et des cultures minoritaires. À partir d'un travail de terrain qualitatif mené depuis 2015 dans des camps officiels ou des campements informels de migrants en Éthiopie, en Somalie et au Kenya, cet article met en lumière ce double processus d'assujettissement et de subjectivation qui me semble au cœur de la question de la mobilité aujourd'hui. Quel est le symptôme du mythe d'Agamben, qui constitue la matrice intellectuelle implicite de la plupart des organisations d'aide internationale ? En considérant abstraitement les vies des migrants comme des "vies nues", des atomes sans qualités, ne faisons-nous pas au fond le jeu de la rationalité politique néolibérale, qui isole socialement et déstructure politiquement ?