Olivi et les Perspectivi. Les sources de la théorie olivienne de la vision
Abstract
À l’exception notable des quelques pages consacrées à ce sujet par Katherine Tachau dans Vision and Certitude in the Age of Ockham, la théorie olivienne de la perception sensible n’a guère été étudiée jusqu’à présent que d’un point de vue cognitiviste. Parce qu’elle exclut de son analyse la partie proprement physique du processus visuel, l’analyse cognitiviste ignore les développements entiers qu’Olivi consacre à la physique de l’émission et propagation de l’aspectus visualis, dont la réalité est alors réduite à un simple acte de saisie à distance. Cet article entend montrer au contraire que la théorie olivienne de la vision par émission par l’œil d’un aspectus visualis emprunte directement à la théorie optique traditionnelle du rayon visuel (radius visualis), telle qu’elle se trouve exposée dans les traités perspectivistes de Ptolémée et surtout Alkindi. C’est à travers la reprise que Roger Bacon fait de cette théorie du rayon visuel qu’Olivi opère une critique de la théorie baconienne de la multiplicatio specierum. Alors même qu’elle s’oppose ouvertement à l’ontologie des Perspectivi, la théorie olivienne de la connaissance sensible leur emprunte massivement ses concepts et ses analyses, et sur plusieurs points essentiels il apparaît qu’Olivi est bien plus en continuité qu’en rupture avec Roger Bacon.