19. Le « terrain » du cancer, lieu d’expression d’inégalités sociales et d’idéologies de progrès
Abstract
À la suite des mouvements des associations de lutte contre le sida, le malade a acquis de nouveaux droits : avec la « loi Kouchner » adoptée en 2002, il devient théoriquement un individu doté de rationalité et informé de manière à penser et décider ce qui est bon pour lui [Ménoret, 2015] au sein d’une nouvelle « démocratie sanitaire ». Depuis, il s’agit de favoriser l’empowerment, c’est-à-dire de renforcer tant l’autonomie sociale des patients que l’implication et la participation des populations à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation de programmes sanitaires, en y associant plus systématiquement les personnes les plus « vulnérables ». Dans le contexte d’un manque d’équité croissant dans le domaine sanitaire à l’échelle européenne comme nationale, ce sont en effet ces types de démarches qui sont « les plus efficaces » selon l’OMS. Elles permettraient de s’attaquer aux inégalités sociales, puisqu’en effet l’empowerment bénéficierait principalement aux personnes les plus éloignées du pouvoir et de la prévention [OMS, 2013, p. 140]. Enfin, avec l’augmentation sans précédent des maladies chroniques et du secteur ambulatoire des soins, les intervenants sont poussés à développer des approches pluri-professionnelles et pluridisciplinaires tenant compte de l’expérience des « usagers » – en particulier de celle des personnes atteintes de cancers [INCa, université de Lille-3 et OncoLille, 2015], présentées comme de « nouveaux » acteurs du soin par les pouvoirs publics français, voire comme des « partenaires de la recherche » et des « patients experts » par les Centres spécialisés de lutte contre le cancer [Vega, 2014]…