« Le réveil de la conscience hakka de Taïwan »
Abstract
In 1992, the region of Meinong, a Hakka farming village in the south of Taiwan, was strongly shaken by a large-scale state project to construct a water reservoir. After more than seven years, local Hakka people managed to suspend the project, which they saw as a threat to their environment and culture. The intervention of a whole generation of university graduates who returned to their native region (fanxiang housheng, “the juniors who returned home”) was decisive in this resistance. These young activists succeeded in developing a large regional and international network of relationships through different associations, and mobilising many official cultural resources to the point of entirely creating a worship dedicated to yellow butterflies, borrowing and reinventing the very ancient Confucian liturgy of the so-called “Three Offerings” (sanxianli). Their unprecedented return also led to competition between local figures accepted as authorities on the interpretation of Meinong’s culture. This became a true power issue among the native elites, while the Taiwan democratisation context beginning in the late 1990s generated changes that were more favourable to the ethnic status of the Hakka. In this article, based on a Taiwanese ethnologist’s point of view on fieldwork conducted for twenty years, we will see how these Hakka people ended up becoming the model of a successful social movement.
En 1992, la région de Meinong, bourgade agricole hakka située au sud de Taïwan, fut fortement agitée par un projet étatique de grande ampleur qui prévoyait la construction d’un réservoir d’eau. Après plus de sept ans, les Hakka locaux sont parvenus à faire interrompre ce projet qui, selon eux, menaçait leur environnement et leur culture. L’intervention de toute une génération de jeunes diplômés de l’université de retour dans leur région natale (fanxiang housheng, « les juniors de retour au foyer ») fut déterminante dans cette résistance. Ces jeunes militants ont réussi à développer un vaste réseau régional et international de relations à travers différentes associations et à mobiliser de nombreuses ressources culturelles officielles jusqu’à la création de toutes les pièces d’un culte dédié aux papillons jaunes, en empruntant et en réinventant la très ancienne liturgie confucéenne dite des « Trois offrandes » (sanxianli). Leur retour inédit a aussi entraîné une concurrence entre figures locales faisant autorité dans l’interprétation de la culture de Meinong. Celle-ci est devenue un véritable enjeu de pouvoir au sein des élites autochtones, alors même que le contexte de démocratisation de Taïwan à partir de la fin des années 1990 engendrait des changements plus favorables au statut ethnique des Hakka. Dans cet article, nous verrons, à partir du point de vue d’une ethnologue taïwanaise sur un terrain mené depuis vingt ans, comment ces Hakka ont fini par incarner un modèle de mouvement social réussi.