De l’engagement civique à l’engagement communautaire : pratiques de politisation, pratiques de subjectivation en contexte démocratique
Abstract
Cette communication a pour objet la description des motifs par lesquels les individus membres de sociétés politiques démocratiques se trouvent engagés à agir dans le cadre de l’espace public politique, c’est-à-dire à initier ou participer à des schèmes d’action qui forment le monde social, voire qui prétendent le transformer. Plus concrètement, j’entends par là un ensemble de pratiques qui vont de l’engagement militant au sens traditionnel (dans le cadre de partis, de syndicats, de mouvements sociaux, mais aussi d’associations/organisations communautaires) à des relations de solidarités sociales plus locales et quotidiennes n’étant pas spontanément perçues par les acteurs comme politiques. Ainsi, ce continuum de pratiques constituerait une ressource commune pour les individus, ressource qui alimenterait la propension des sociétés politiques à gérer démocratiquement la vie collective. Un préalable : la problématique abordée dans cette recherche n’a pas pour objet les dispositifs institutionnels ou citoyens qui organisent l’engagement, elle s’intéresse au contraire aux effets que ces relations d’engagement exercent sur les subjectivités politiques et sur la citoyenneté telle que vécue par les individus.
L’hypothèse que je mentionne n’est pas nouvelle, elle a régulièrement été formulée et étudiée dans l’histoire de la science politique, principalement par Alexis de Tocqueville au XIXe siècle puis par Robert D. Putnam au XXe siècle, deux auteurs dont la méthode et les objets sont différents mais qui dressent chacun à leur manière les contours d’un phénomène commun. Une longue tradition de la théorie politique reprend ainsi à son compte l’idée selon laquelle il y aurait, en démocratie, une corrélation profonde entre la vie sociale et la vitalité des institutions politiques – la tradition républicaine héritière de la pensée politique de Machiavel et Rousseau. L’idée générale de cette présentation va donc être de partir de ce modèle explicatif que je qualifierais d’« engagement civique » en reprenant les termes de Putnam, pour montrer ensuite en quoi celui-ci repose en fait sur des présupposés théoriques inadéquats pour penser les relations des citoyens au monde social et aux institutions politiques dans le cadre de sociétés pluralistes (dites complexes). Je terminerai par proposer un modèle alternatif d’« engagement communautaire » qui permet à la fois d’intégrer l’idée du continuum de pratiques dont je parlais plus tôt tout en reconnaissant la part morale de l’appartenance à des groupes communautaires.