L'expression « génération spontanée » commence véritablement à être employée par les naturalistes français à la fin du 18e siècle. Elle recèle alors une ambiguïté concernant son champ d'application : s'agit-il d'un mécanisme originel expliquant l'apparition des premiers êtres vivants ? Ou est-ce un mode de reproduction habituel chez certaines espèces microscopiques ? Lorsque le concept de génération spontanée se diffuse parmi le monde savant au début du 19e siècle, il contient ces deux significations sans les distinguer clairement. Il mélange ainsi la querelle sur l'origine des êtres vivants au problème de la diversité des modes de reproduction.
A partir des années 1860, l'opposition entre les savants à propos du concept de génération spontanée atteint son paroxysme, tant en France qu'en Angleterre. Le débat entre Pouchet et Pasteur, clos par la victoire de ce dernier, a surtout retenu l'attention des historiens. La génération spontanée y aurait été définitivement récusée en tant qu'erreur scientifique. Pourtant, ce jugement se révèle insuffisant si l'on passe de l'autre côté de la Manche. En Angleterre, le concept de génération spontanée donne lieu à diverses nouveautés théoriques pour penser la formation des premiers êtres. Il est alors nettement scindé de son acception reproductive telle qu'elle domine en France.
Il convient donc de s'interroger sur les sources de ces variations du concept de génération spontanée, issu de l'histoire naturelle française du 18e siècle. Puisqu'il semble avoir eu une certaine fécondité en Angleterre, peut-on penser qu'il a été lié à la naissance de la théorie de l'évolution ? Réciproquement, sa récusation en France a-t-elle constitué un frein à l'essor de la recherche sur l'origine des espèces ?
Il faudra examiner les différentes formes du concept de génération spontanée au 19e siècle, d'une part chez ceux qui l'utilisent dans le sens d'un processus actuel de naissance pour des espèces microscopiques, et d'autre part chez ceux qui le considèrent comme un processus ancien, épuisé, permettant de ne plus recourir à l'idée d'une création séparée des espèces. En comparant ces deux usages, il sera finalement possible de proposer une phylogénie simplifiée du concept de génération spontanée, permettant d'évaluer son degré de proximité avec l'idée d'évolution.