Le sujet de l'incertitude-Cavell et la réinvention de la subjectivité - Université Paris Nanterre
Journal Articles Actes de Savoirs Year : 2008

The subject of uncertainty - Cavell and the reinvetion of subjectivity

Le sujet de l'incertitude-Cavell et la réinvention de la subjectivité

Abstract

« Je marche au milieu des fragments et des membres humains. C'est ce qui est terrible à mes yeux, que je trouve l'homme en ruines et épars, comme sur un champ de bataille ou l'étal d'un boucher ». Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra Sans restaurer le sujet substantiel de la certitude de soi tel que la tradition cartésienne l'a présenté et élaboré (Je suis une chose pensante), Stanley Cavell lui substitue un sujet qui naît sur les ruines de nos certitudes, sur une scène de perte et de désespoir, dans la traversée interminable du scepticisme. L'incertitude n'est pas dépassée : nulle terre promise n'est abordée après la traversée. Le scepticisme fait en effet partie de notre condition : il ne peut y avoir de victoire sur le scepticisme, comme si l'on pouvait conquérir une enclave préservée, qui résisterait à la corrosion sceptique généralisée. L'érosion des certitudes est bien un des commencements de la philosophie, mais il faut renoncer à dépasser ce commencement et apprendre plutôt à y séjourner 1. Mais alors quel est ce sujet de l'incertitude ? quel cogito peut-il porter ? pour quelle forme de vie peut-il réclamer de la reconnaissance (claim) ? Il faut passer par l'examen de certaines figures du doute et du déchirement pour tenter de répondre à de telles questions. Car l'originalité de Stanley Cavell réside d'abord dans sa méthode : philosopher à partir d'oeuvres de culture qui présentent des personnages emblématiques. Cette méthode est fondée dans une double conviction : il y a de la philosophie en acte dans les oeuvres de culture (la culture populaire comprise), et pas seulement dans les textes philosophiques, car l'universel est immanent aux figures particulières susceptibles de le présenter. Cet universel se délivre alors non pas dans la forme conceptuelle de l'exercice philosophique qui retiendrait un noyau dur commun aux instances particulières, mais dans le distributif du chaque « un » ou de chaque « une » pour lesquels la déclaration de soi du personnage, son cogito, prétend valoir. Femmes inconnues des mélodrames hollywoodiens, femmes chantantes et souffrantes de l'opéra, ou héros des tragédies et drames shakespeariens, toutes ces figures portent un jugement sur le monde, déclarent une existence individuelle, et en appellent à chacun(e) d'une manière qui puisse valoir pour tous. C'est cet universel de la destination qui fait de la voix individuelle du personnage une voix universelle. Il faut alors se mettre à l'écoute de cette voix universelle qui n'est pourtant en même temps qu'une voix parmi toutes les autres voix qui existent, « une voix dans un corps donné ». Ce qui permet de réconcilier l'exigence d'universalité avec la contingence d'une existence individuelle. Nul besoin, si l'on suit Cavell, de dépouiller un Ego qui déclare son existence (Je suis, j'existe) de toutes ses particularités contingentes : l'universel est rencontré DANS la parole ou la voix de celui qui obtient et revendique son individualité 2 .
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Cite

Martine de Gaudemar. Le sujet de l'incertitude-Cavell et la réinvention de la subjectivité. Actes de Savoirs, 2008, pp.59-92. ⟨hal-04476366⟩
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